« Les boqueteaux du musée » : l’aménagement du parvis des Arts et Métiers, Paris


Dans le cadre de « Mangez le musée », le parvis du musée, pourtour de l’enceinte de l’église Saint-Martin-des-Champs, renoue avec les boisements qui ont précédés sa construction. Rappelant les petits bois qui servent de refuge à la biodiversité, cinq îlots végétalisés accueillent les visiteurs et leur offrent la possibilité de s’asseoir dans un jardin.

Temple consacré par la Révolution française à la technique et à l’industrie, l’église de Saint Martin-des-Champs est un vestige du prieuré dans lequel le Conservatoire des arts et métiers est installé depuis 1798. Des fouilles archéologiques, réalisées sous le sol de la nef pendant la rénovation du musée dans les années 1990, ont confirmé l’existence d’un sanctuaire funéraire datant de l’époque mérovingienne. Avant la construction de l’édifice, les lieux étaient majoritairement composés de boisements.

Le projet d’aménagement paysagé s’inspire de la recomposition d’une ancienne forme de boisement, « les boqueteaux ». Il prend la forme d’une succession de paysages faits de petits bosquets d’arbres et arbustes, associés à des essences couvre-sols et des plantes à fleur que l’on retrouve dans le milieu forestier. Les cinq îlots reconstituent chacun un écosystème reflétant la variété des paysages de la plaine de la Seine. Leur implantation répartie sur le parvis suggère ainsi une nouvelle circulation dans l’espace public.

Dans la nature, les boqueteaux, petits bois entourés d’espaces non forestiers, abritent de nombreux animaux. En redonnant une place au végétal dans un espace urbain, le musée invite les visiteurs, les habitants du quartier et les passants à se poser pour un moment dans un petit coin de verdure.

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Le Musée des Arts et Métiers est une composante du grand l’îlot du Cnam dans le 3 eme arrondissement à Paris. Il figure parmi les nombreux îlots et parcelles d’herbe au milieu de la ville qui restait peu fréquentés. Le Musée désirait réinviter le public à déambuler au milieu de cet espace pour le découvrir autrement. En effet, il n’était plus repéré par les habitants et les visiteurs. Au mieux, ils tentaient une traversée vers les portes de l’entrée du Musée avec un arrêt photo devant la statue de la Liberté. Des usages à minima que les paysagistes ont souhaités faire évoluer. L’orientation du projet s’est donc voulue d’abord conviviale avant être culturelle : l’objectif était d’aller à la rencontre du public en lui offrant d’investir un endroit plus informel que les galeries du Musée.

Un nouveau lieu de sociabilité


A travers la commande d’une construction éphémère, le Musée a créé une opportunité et initié la création d’un nouveau lieu de sociabilité, tissant des liens avec le quartier, ses habitants, ses visiteurs. Nous avons imaginé reproduire dans les « fêtes de quartier » un brin des « fastes de village ».
Par la participation au projet artistique de Françoise Schein, le Musée a proposé une découverte collective par de petites actions répétitives, autour de l’installation de l’œuvre centrale, sous forme d’un déjeuner sur les bancs ou dans l’herbe.

« Les boqueteaux »: une forme historique, culturelle, écologique


La base de réflexion pour ce projet d’aménagement du parvis trouve son inspiration dans l’exemple du « Jardin de Temps » d’Alain Sonfist à New York aux Etats Unis. Pour retrouver la continuité du lieu, la réalité tactile et physique de la vie, il s’agissait de se rréférer au passage du temps antérieure, au découpage en îlots, au cloisonnement, aux délimitations d’aujourd’hui.
La nature accomplit une fonction psychologique, écologique et esthétique dans la vie quotidienne, réduisant l’effort, le stress, et d’une certaine manière, encourage la réflexion et la relaxation.
Les Romantiques cherchaient à créer une vision idéalisée, des scènes pastorales comme ceux de Turner et de Constable. La vérité est que la nature est une force volatile et puissante qui fait partie de nos vies et nous affecte démesurément. « Le Jardin du temps » d’Alan Sonfist était la première sculpture environnementale porteuse des questionnements au sujet de notre milieu urbain.
« Le Jardin de temps » a ranimé le sens du public par l’histoire naturelle.

« Sa conception, qui a inclus une palette d’arbres indigènes, des arbustes, des herbes sauvages, des fleurs, des plantes et des rochers, a été dérivée d’une recherche étendue sur la botanique, la géologie, et l’histoire de New York. Le résultat de ses efforts était une forêt se développant qui représente le paysage de Manhattan habité par des Natifs américains et produit par les colons néerlandais au début du 17 ème siècle. Cependant la conception dessine une ère qui s’inscrit sans problème dans la scénographie urbaine du 21 ème siècle de Manhattan. »

L’aspect historique et culturel de l’aménagement proposé


Si on se réfère à l’histoire, le Conservatoire des Arts et Métiers est installé depuis 1798 dans l’ancienne église de Saint-Martin-des-Champs, qui fut un temple consacré par la Révolution française à la technique et à l’industrie. « Des fouilles archéologiques, réalisées sous le sol de la nef pendant la rénovation du musée dans les années 1990, ont confirmé l’existence d’un sanctuaire funéraire datant de l’époque mérovingienne (V e -VIII e siècles). »

Il était essentiel de prendre la période précédant la construction de l’église de Saint- Martin-des-Champs comme référence pour ce projet d’aménagement. Pareillement, si l’on observe une carte de l’Abbé Jean Delagrive (carto.apur.org), les pourtours de l’enceinte de l’église, étaient majoritairement composés de boisements.

Une étude révélatrice « Etude archéologique sur la Seine dans le Val-de-Marne du Paléolithique au haut Moyen Âge », a servi de document référentiel à la recomposition d’une ancienne forme de boisements – boqueteaux. Cette étude porte à imaginer une succession de paysages composées d’une végétation clairsemée, faite de petits bosquets d’arbustes et quelques arbres, d’un paysage ouvert au peuplement avant une installation forestière.

La répétition et la disposition des boqueteaux à l’intérieur et à l’extérieur de la grille du Musée, ont créé une continuité, et une réalité tactile et physique de la vie dans le quartier.

L’aspect écologique de la prestation proposée


La proximité des vies humaines et végétales, rendait nécessaire la réflexion autour des bonnes distances entre les arbres et les habitants. Pour le musée, gestionnaire du site, l’économie de moyens était essentielle et prise en compte dans ce projet, tant au niveau de la réalisation que de la gestion dans le temps.

Il s’agissait d’affirmer la place de la nature en ville en dessinant en plein (un bois) plutôt qu’en lignes (alignement d’arbres) ou en points (arbres isolés). Cette proposition s’est aussi inspirée de la rencontre entre François Roumet (paysagiste, urbaniste et enseignant à l’Ecole Nationale Supérieure de Paysage de Versailles) et le Transformateur (Saint-Nicolas de Redon 44460), où on pratique le paysage à travers une activité productrice.

L’objectif a été aussi l’occasion de repenser la juste place du végétale dans toute sortes d’aménagements, en particulier à l’heure de gestion différenciée, qui appelle un retour à l’anticipation des parti-pris techniques dès la phase de « conception différenciée ».
Ce projet nous a permis de démontrer qu’il est possible d'apporter de très bonnes conditions de développement des arbres en situation urbaine. L’implantation d’un petit boisement sur une surface plus généreuse, à partir d’un sol comparable au sol des précédentes expérimentations (inerte et ingrat, recouvert d’une dalle de béton ou enrobé) est apparue comme solution capable de démontrer une nouvelle arborisation maligne et économe, transposable en contexte franchement urbain.

« Les boqueteaux » sont des petits bois entourés d’espaces non forestiers, qui font refuge d’une biodiversité à l’image d’un taillis de peu d’étendue, planté dans une campagne, pour servir de retraite aux lièvres, aux perdrix...

Contraintes du lieu, caractère non permanent des aménagements


Les aménagements proposés devaient permettre de conserver une vision de l’ensemble des espaces du parvis. Nous avons veillé à ne pas créer de recoins invisibles pour les gardiens à partir de la grille d’entrée. Les bacs ont une volumétrie régulière et ils ont été séparés de larges distances. Le chemin d’évacuation de la sortie de secours n’a pas été entravé.

Précisions sur les types de végétaux, les types de matériaux associés pour les nouveaux aménagements.

Nous avons choisi des végétaux qui ne nécessitaient que peu d’entretien, et issus d’une pépinière forestière. Nous avons composé les boqueteaux afin de reprendre au plus près, une forme proche d’une futaie de semis régulière et mono-spécifique. Les sujets ont été choisis au plus près de 2 mètres de haut et de taille fine.

Les sols des bacs ont été tapissés de fougères, de bulbes d’anémones, et de digitales. Les bacs de 2,5 mètres sur 2,5 mètres ont une hauteur de 1 mètre.


La Fabrique terrestre, aquatique et aérienne : L’équipe du projet : Christina Ottaviano-Boury, Juliette Blondelle ; équipe d’aménagement paysager : Greta Colombo, Cornelia Geske, Robin Weicherding, Yann Honnoré, Geoffrey Leger, Lainard Germain, Baptiste G-Hache.

Crédits iconographiques : DR, Droit Réservé, Christina Ottaviano, Juliette Blondelle, Greta Colombo

https://www.arts-et-metiers.net/sites/arts-et-metiers.net/files/asset/document/dp_mangez_le_musee_def.pdf
https://www.arts-et-metiers.net/musee/y-t-il-un-jardin-devant-le-musee-des-arts-et-metiers
https://www.arts-et-metiers.net/musee/mangez-le-musee-installation-de-loeuvre-table-de-francoise-schein-au-musee-des-arts-et-metiers